Développement personnel : vigilance et esprit critique de rigueur
Ah, le développement personnel, ce chaleureux espace de bienveillance où chacun se transforme en mentor dévoué, prêt à vous aider, à vous faire atteindre la sagesse, et pourquoi pas, la meilleure version de vous-même. On pourrait presque croire que le monde entier s’est soudainement mis d’accord sur un point : il est grand temps de vous y aider ! Mais derrière cette façade de bienveillance, n'y aurait-il pas un soupçon d’ironique contradiction, voire une pointe de manipulation subtilement déguisée ?
Le paradis du bien-être
Imaginez un monde où chaque personne que vous rencontrez se soucie sincèrement de votre bonheur, si c’était ainsi en dehors de l’univers numérique, cela serait particulièrement inquiétant, non ? Dans cet univers, les coachs de vie, les influenceurs et les experts en développement personnel se multiplient comme des champignons après la pluie, chacun armé de ses propres mantras et préceptes. "Apprenez la résilience", "Mangez sain", "Méditez chaque matin", et bien sûr, l’incontournable utilisation multi contextuelle du mot " positif".
Même la sexualité positive devient un concept, c’était nécessaire. Tous ces conseils et injonctions vous sont offerts avec une bienveillance déconcertante, comme si votre épanouissement personnel était la seule chose qui importait.
Mais au fond, qu’est-ce que cette profusion de conseils bien intentionnés ? Est-ce vraiment une quête désintéressée de votre bien-être ? Ou bien s’agit-il d’une nouvelle forme de norme sociale, subtilement imposée par ceux qui, sous couvert de bienveillance, cherchent à modeler vos pensées, vos habitudes, et finalement, votre vie, en échange d’un statut et surtout d’une rémunération leur permettant de quitter la rat race et de travailler d’où ils veulent ?
Car après tout, pour quitter son boulot, il n’y a pas mieux que de se lancer dans l’entreprenariat et le service à la personne en développant une communauté Instagram autour de soi et son univers, avec des conseils journaliers, des formations et du contenu VIP. Bonus, même sans avoir suivi de formation c’est possible, et pour en vendre pas besoin de s’embêter avec Qualiopi. Finalement, le développement personnel c’est surtout le paradis de l’entrepreneur.
Le savoir-bienveillant : une nouvelle forme de pouvoir ?
Sous la surface lisse du développement personnel se cache un petit jeu de pouvoir. Car oui, en vous disant ce qui est bon pour vous, en vous expliquant comment être heureux, vous recentrer, vous retrouver, les experts du bien-être n’exercent-ils pas, d’une manière tout à fait courtoise, une certaine forme de contrôle ? Après tout, lorsque l’on vous dit comment penser, comment manger, comment agir dans telle ou telle circonstance et comment être, ne vous impose-t-on pas subtilement une certaine vision du monde ?
Une vision faite de biais, de croyances, d’idées reçues et formalisés en injonctions.
Car vous remarquerez que tout est toujours péremptoire, on ne vous présente jamais les avantages et les inconvénients, ce sur quoi ces conseils sont basés, les données brutes en vous proposant un questionnement pour que vous vous fassiez votre propre idée. Vous faire réfléchir n’est pas un concept attrayant, le principe veut qu’un follower se regroupe avec ceux qui pensent identiquement, cette pensée doit donc être orientée, il faut qu’elle ait une identité idéologique propre.
"Soyez vous-même", vous dit-on, mais pas trop tout de même. Il faut que vous soyez vous-même… selon leurs règles. Et c’est là que réside toute la subtilité. Le développement personnel ne vous donne pas simplement les conseils pour mieux vivre selon certains principes ; il vous propose une version bien emballée de ce que devrait être la vie, votre vie.
L’injonction au bonheur
Cette chimère moderne que tout le monde veut atteindre, c’est le bonheur. Pour que cela soit une idée fixe aussi généralisée, c’est que cela doit aller vraiment mal. Et si jamais vous oubliez que c’était l’objectif, on vous le rappellera, en vous en présentant une forme circonscrite, et dès lors, vous serez bien obligé de faire des comparaisons avec vos propres considérations ou votre vie, de commencer à l’évaluer, pour éventuellement finir par faire quelques changements. C’est un mécanisme assez simple en soi.
"Il faut être heureux !" et il faut savoir ce que c’est, savoir l’identifier, sans quoi on pourrait passer à côté. Le bonheur est devenu le luxe ultime, même si le luxe n’y conduit pas. Le développement personnel devient alors un ensemble d’injonctions : soyez ceci, faites cela, et bien sûr, soyez spontané, soyez solaire, soyez naturel, mais surtout, ne soyez pas ce que vous êtes naturellement si cela ne colle pas aux standards du bonheur ou de ce qu’est la meilleure version de soi-même, que l’on vous impose, tout en faisant laisser planer un flou nébuleux, car tout cela s’inscrit aussi dans un contexte d’inclusion ou les individualités uniques et de la différence mais ce qui demeure pour tous : il faut trouver sa voie intérieure, son vrai soi.
Je me rappelle aussi d’une époque où c’était la mode du : « Ne change rien, surtout reste comme tu es ».
Vous n’avez rien compris au dernier paragraphe ? Moi non plus et pourtant je l’ai écrit. C’est peut-être normal, parfois c’est tellement contradictoire qu’il n’y a rien de logique à comprendre. Le flou et l’incompréhension des concepts fluctuants, c’est l’art de la divination, cela permet à chacun d’y comprendre ce qu’il veut et surtout de rester en demande de ces petits mots qui permettront régulièrement, une bribe de réflexion sur soi, sur la vie, sur ses relations, entre deux épisodes de la dernière série.
Une individualité unique c’est bien, se trouver, s’accepter, ne rien changer, devenir meilleur, mais n’est-ce pas l’adaptation qui permet avant tout l’évolution ? Est-ce que toutes ces injonctions vont dans le sens de l’adaptation ?
Peut-on vraiment être soi-même lorsqu’on vous dicte les étapes à suivre pour y parvenir ? Cette obsession du bonheur, cet impératif du bien-être, ne serait-il pas, finalement, une nouvelle forme de contrainte, déguisée en conseil bienveillant ?
Pourtant dans le fond…
Peut-être que le véritable bien-être ne réside pas dans cette course effrénée pour devenir meilleur, plus heureux, plus épanoui ? Peut-être que la clé est plutôt de s’accepter tel que l’on est, avec ses failles, ses imperfections, et surtout, son droit inaliénable à ne pas être constamment en quête de quelque chose de mieux ?
Car cette société de consommation nous pousse à vouloir toujours plus, toujours mieux, tout de suite.
Tous ces contenus peuvent et devraient vous faire réfléchir, mais utilisez toujours votre esprit critique, et écoutez les comme des pistes à approfondir.
Et si, au lieu de suivre tous ces conseils, vous décidiez simplement de ne pas les suivre ? Si vous choisissiez de vivre à votre rythme, selon vos propres termes, sans vous soucier de ce que les autres pensent être bon pour vous ? Peut-être que la véritable sagesse réside dans cette simple rébellion, dans ce refus poli mais ferme de se laisser dicter sa conduite, même par ceux qui, bien sûr, vous veulent du bien.
N’oublions pas que la liberté de penser, de vivre comme chacun le souhaite, et même de ne pas être parfait, est une évidence sociale et un constat anthropologique.