Devenir soi-même : Comment y parvenir ?
Le concept de "devenir soi-même" est devenu un mantra omniprésent dans la culture moderne, en particulier dans les domaines du développement personnel et de la psychologie de comptoir. Il est présenté comme une quête essentielle vers la connaissance de soi mais également un chemin vers l'authenticité et l'épanouissement personnel. Mais que signifie réellement "devenir soi-même" ? Quel sens cela a-t-il ? Est-ce un processus linéaire, une destination fixe, ou simplement une illusion réconfortante ?
Un concept qui mérite d’être survolé.
La quête de l’authenticité : mythe ou réalité ?
L'idée de devenir soi-même repose sur l’hypothèse qu’il existe un "soi" authentique et profond, une essence véritable, cachée sous les couches de notre existence quotidienne, façonnée par la société, les attentes des autres, et nos propres peurs. Comme si vous portiez un masque en société mais vous vous ne le saviez pas, ne vous en rendiez pas compte.
Cette notion est séduisante, car déjà vous ne seriez pas responsable d’être soi-disant passé à côté pendant des années, mais ensuite elle promet la possibilité de se libérer des contraintes extérieures pour atteindre une forme de pureté intérieure. Pas responsable d’être passé à côté car soyons clair, ce discours ne vise pas les adolescents !
Mais cette quête d'authenticité est-elle réellement fondée ? Peut-on vraiment dénicher un "vrai" soi, immuable, qui ne serait pas influencé par le monde extérieur ? Qui n’évoluerai pas ?
Les philosophes existentialistes, comme Jean-Paul Sartre, soutiennent que l'existence précède l'essence. Autrement dit, nous ne naissons pas avec une identité fixe ; nous la construisons à travers nos choix et nos actions. Dans cette perspective, devenir soi-même ne consisterait pas à retrouver une essence perdue, mais à créer sa propre identité à chaque instant. Cela soulève une question importante : si notre "soi" est en constante évolution, comment peut-on parler de "devenir soi-même" comme d’une destination finale ?
Je l’aborde aussi régulièrement et notamment quand j’évoque certaines problématiques liées à la question de la personnalité pour définir des choix d’orientation : nous donnons nous toujours à voir identiquement, avec la famille, les collègues ou des inconnus que l’on rencontre tout juste ? Bien sûr que non, pas tout le monde ne se comporte identiquement, et ces individus en ont parfaitement conscience, pour la plupart.
L’authenticité n’est-ce pas simplement de se comporter spontanément ? N’est-ce pas le seul indicateur pour nous même ? Car l’autre est-il réellement en capacité de définir si nous nous comportons spontanément ?
Le "soi" comme construction sociale
Il est également crucial de reconnaître que notre identité est, en grande partie, une construction sociale. Nos valeurs, nos croyances, et même nos désirs sont façonnés par notre éducation, notre vécu et l'environnement dans lequel nous grandissons. Dès lors, la quête du "soi" pourrait être moins une découverte qu'une fabrication, influencée par les normes culturelles, les attentes familiales, et les médias. Cette prise de conscience pourrait transformer la quête de soi en une réflexion critique sur les influences extérieures qui nous façonnent, plutôt qu’en une recherche intérieure solitaire. Et il y a de quoi faire…
Devenir soi-même, dans ce contexte, pourrait impliquer une prise de distance par rapport à ces influences, une capacité à les interroger et à les sélectionner consciemment, combattre les croyances pourrait être l’un des outils, plutôt que de les absorber passivement.
La fluidité du "soi"
Un autre aspect fondamental à considérer et que j’ai introduit est la fluidité du "soi". Contrairement à l'idée d'un noyau immuable, notre identité est dynamique et changeante. Chaque expérience, chaque interaction, chaque influence modifient nos pensées, nos normes, nos habitudes. Pensez à quel point votre partenaire de vie à pu vous faire changer, par exemple. Par conséquent, "devenir soi-même" devrait certainement être interprété non pas comme un aboutissement, mais comme un processus continu, un voyage perpétuel sans destination fixe. Cela rejoint les idées de certains psychologues contemporains, qui voient l'identité comme un flux plutôt qu'une entité stable.
Dans cette optique, chercher à devenir soi-même serait accepter cette fluidité, cette impermanence, et se libérer de l’idée qu’il existe une version parfaite et finale de nous-mêmes à atteindre. Le "soi" devient alors une œuvre en constante évolution, où l’important n’est pas de parvenir à une définition définitive, mais de rester ouvert à la transformation et à l’adaptation.
Le danger de l’injonction à "devenir soi-même"
Enfin, il est important de questionner l'injonction à "devenir soi-même" telle qu’elle est souvent présentée dans le développement personnel. Cette injonction peut créer une pression immense, poussant les individus à croire qu'ils doivent se conformer à une certaine image de l’authenticité ou de la réussite personnelle. Cela peut conduire à une forme de tyrannie intérieure, où l'on se sent constamment en défaut, jamais assez "soi-même".
De plus, cette quête peut détourner l'attention des véritables questions éthiques et existentielles qui devraient guider nos vies. Au lieu de se demander "qui suis-je vraiment ?", il pourrait être plus pertinent de se demander "que puis-je faire pour vivre une vie bonne et juste ?", "quels en seraient les effets, pour moi mais également pour mon entourage ou mes contacts ? ". Cette perspective redirige l'effort de la construction d'une identité vers l'action et l'engagement dans le monde.