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Douance et croyances : l’exemple de la pensée en arborescence

La douance est souvent décrite en utilisant une association de concepts et de caractéristiques spécifiques, censés définir les particularités des individus surdoués. Parmi ces concepts, certains sont très populaires, et notamment la « pensée en arborescence » qui a largement été diffusée. Ils sont repris en cœur par tout un public de psy, coach, bloggeurs et youtubeurs sans en questionner l’origine ou les fondements. Ils deviennent alors des croyances qui sont acceptés via les biais d’autorité, mais cela va encore plus loin, car il est évident qu’y adhérer et véhiculer ces idées, renvoie pour le public l’idée d’appartenance au groupe des sachants, et consciemment ou inconsciemment le discours interne pour le colporteur dans cette transmission pourrait s’écrire ainsi :  « Si je répète une théorie de Siaud Facchin, que d’autres répètent aussi, je fais partie du groupe des « experts » sur le sujet, et sur cette question ou une autre, l’on m’écoutera enfin et j’aurais du succès ». Il y a là-dessous des ressorts d’influence par le désir de devenir figure d’autorité. Je le développerais par ailleurs dans la bonne section du blog. Cependant, ces concepts, bien que séduisants sur le plan intuitif, ne reposent sur aucune base scientifique solide. Qu’en est-il de la validité, ou plutôt de l'absence de validité scientifique de ces concepts et quelles sont les implications de l'adoption de telles idées dans la compréhension de la douance ?

Origine et définition des concepts non validés

La « pensée en arborescence » est un terme utilisé pour décrire un mode de pensée supposé caractéristique des personnes surdouées. Elle est censée se manifester par une capacité à générer des idées multiples à partir d'une idée centrale, de manière rapide et associative, un peu à la manière des branches d’un arbre qui s’étendent à partir d’un tronc commun. Selon cette conception, la pensée en arborescence serait non linéaire, complexe et intuitive, comparée à une pensée plus « linéaire » attribuée à la majorité des individus.

Toutefois, aucune étude scientifique rigoureuse n’a validé l'existence de ce mode de pensée spécifique et unique aux surdoués.

D’autres caractéristiques supposées des surdoués peuvent également être interrogées.

La sur-efficience mentale, popularisée par des ouvrages grand public prétend que les individus surdoués auraient un cerveau « hyperactif », toujours en fonctionnement à un niveau plus élevé que la normale. Ce terme laisse entendre que les personnes à haut potentiel seraient continuellement engagées dans des processus cognitifs intenses, entraînant fatigue mentale et difficultés à se détendre. Là encore, aucune preuve empirique n'appuie cette idée, qui semble davantage reposer sur des généralisations non fondées et des stéréotypes.

L’hypersensibilité émotionnelle, c’est l’idée que les surdoués seraient particulièrement sensibles sur le plan émotionnel, au point de ressentir les émotions de manière amplifiée par rapport à la moyenne. Elle est également très répandue. Si l’hypersensibilité peut effectivement exister chez certains individus, la notion selon laquelle elle serait une caractéristique intrinsèque et généralisée des personnes surdouées n’est pas soutenue par la recherche scientifique. Les études montrent plutôt que les surdoués présentent une grande diversité de profils émotionnels, sans qu’une hypersensibilité spécifique soit systématiquement présente.

Absence de validité scientifique des concepts populaires

Les études scientifiques sur la cognition des personnes à haut potentiel intellectuel ne valident pas l'idée que ces individus penseraient de manière fondamentalement différente ou en suivant un modèle arborescent, ou des caractéristiques émotionnelles spécifiques qui pourraient être décrits par les termes de sur-efficience mentale, ou hypersensibilité émotionnelle.

C’est un exemple typique de ce que l'on pourrait appeler des mythes psychologiques.

Pour ne citer qu’un exemple par rapport à l’hypersensibilité ou l’hyperémotivité supposée des surdoués, en comparaison à une norme imaginaire de ce que devrait être une émotion type dans un contexte particulier, comme le détaille très bien Carlos Tinoco : comment cette norme est établie et par rapport à quoi ? Ensuite, on peut aborder également la question sous un angle purement logique. Dans le cas d’un individu qui est plus lucide, plus conscient de son environnement ou des évènements, plus à même de prendre en compte beaucoup plus de choses dans sa représentation du monde et qui crée donc un sens certainement plus élaboré et plus fin que les autres, n’est-il pas logique de penser que cela pourrait faire naître plus d’émotions en lui en fonction de ces éléments ? Ce n’est qu’une théorie que je viens de formuler, qui, sans rentrer dans le débat, en soi, ne suffit clairement pas à expliquer les observations cliniques de l’émotivité des surdoués, mais il me semble assez clair, qu’il ne faut pas chercher la réponse dans un seul paramètre ou schéma de représentation de la question.

De plus, le concept de pensée en arborescence repose sur une dichotomie simpliste entre une pensée dite « linéaire » et une pensée « complexe », ce qui ne reflète pas la réalité des processus cognitifs humains. La pensée humaine, quelle que soit l'individualité ou le niveau intellectuel, est multi-facettes et peut passer d'un mode de pensée linéaire à un mode plus associatif en fonction du contexte, des tâches ou des objectifs.

La persistance de ces concepts dans le discours public peut être attribuée à leur simplicité et à leur capacité à expliquer de manière intuitive des différences perçues entre les individus surdoués et la moyenne. Cependant, cette simplification est trompeuse et risque de fausser la compréhension de la douance.

Les risques de l’adoption de concepts non validés

L'acceptation et la diffusion de ces concepts non validés comportent plusieurs risques. D'abord, cela peut contribuer à la création de stéréotypes sur la douance, enfermant les individus surdoués dans une vision réductrice de leurs capacités et de leur fonctionnement mental, mais également en biaisant la représentation populaire sur leurs fonctionnements ou typicités.

Ensuite, cela peut entraîner des erreurs d'évaluation et de prise en charge éducative ou psychologique. Si l’on croit à tort qu’un enfant pense en arborescence, est sur-efficient mentalement, ou est hypersensible émotionnellement, on risque de passer à côté des véritables causes de ses comportements ou de ses performances scolaires. Par exemple, un enfant pourrait être mal compris et mal soutenu si ses difficultés sont attribuées à des caractéristiques non validées plutôt qu’à des facteurs concrets et mesurables, que le simple bon sens permettrait d’identifier.

En fin de compte, la valorisation de caractéristiques non validées scientifiquement peut aussi mener à une sorte de folklore psychologique où des idées séduisantes mais infondées prennent le pas sur une compréhension basée sur des preuves et une rigueur scientifique. Cela est particulièrement problématique dans le domaine de la psychologie de l’éducation, où des approches mal fondées peuvent avoir un impact direct sur la vie des enfants et des familles.

Vers une approche scientifique de la douance

Pour une compréhension plus rigoureuse de la douance, il est essentiel de se baser sur des recherches empiriques solides et de se méfier des concepts qui, bien que populaires, ne reposent sur aucune validation scientifique. Soyez critiques ! Les caractéristiques des personnes surdouées sont multiples et variées, mais elles doivent être étudiées à travers des méthodologies rigoureuses, plutôt que d’être définies par des idées reçues.

Les recherches actuelles en psychologie cognitive et en neurosciences offrent des outils et des modèles pour mieux comprendre les mécanismes sous-jacents à la douance. Par exemple, la notion de « vitesse de traitement » ou la « flexibilité cognitive » sont des aspects étudiés scientifiquement et peuvent donner des indications précieuses sur les particularités des personnes à haut potentiel. De même, l’étude des relations entre intelligence et créativité, ou entre intelligence et compétences socio-émotionnelles, ouvre des perspectives plus riches et nuancées pour comprendre la douance.

 

Références :

  1. Gagné, F. (2013). The DMGT: Changes within, beneath, and beyond. Talent Development & Excellence, 5(1), 5-19.
  2. Heller, K. A., Mönks, F. J., Sternberg, R. J., & Subotnik, R. F. (Eds.). (2000). International Handbook of Giftedness and Talent. Elsevier.
  3. Sternberg, R. J. (2017). The nature of human intelligence. Cambridge University Press.
  4. Winner, E. (1996). Gifted Children: Myths and Realities. Basic Books.
  5. Lubinski, D. (2004). Introduction to the special section on cognitive abilities: 100 years after Spearman’s (1904) “general intelligence, objectively determined and measured”. Journal of Personality and Social Psychology, 86(1), 96-111.

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