HPI ou non, comment anticiper le désintérêt ou le décrochage scolaire ?
Le décrochage scolaire n’est pas un phénomène soudain tel un pont qui s’écroule, il y a une évolution. L’état d’esprit influencé par la pensée emprunte un chemin qui petit à petit vient cristalliser une certaine représentation de l'enfant, liée à un vécu. Cela peut être aussi lié à des circonstances extérieures, comme l’environnement ou l’influence de copains, il existe beaucoup de statistiques évoquant l'impact des environnements défavorisés, mais c'est réducteur, les boites à Bac ne sont pas leur public cible. La question ici n’est pas de faire un tour d’horizon des points de départ possible, mais plutôt d’aborder ce sujet par une toute petite porte.
Et cette petite porte, elle peut être ouverte par tous les enfants, mais elle sera inévitablement ouverte par les enfants HPI.
Cette petite porte, c’est aux yeux d’un enfant, celle de la représentation qu’il se fait de l’école, par le biais de la personnalité d’un professeur, celle d’un directeur, des surveillants, des interactions, de l’ennui, d’un système de punition avec des points en moins, des retenues, des devoirs, des évaluations qui ne reflètent pas le niveau réel, de la question de l’injustice s’immisçant un peu partout, et le rapport au pouvoir et à l’autorité avec les profs tout-puissants qui ne veulent rien entendre, n’ont pas le temps d’évaluer justement certaines situations, etc.
Un système représentant des individus supposés savoir, mais imaginairement investis par l’enfant, à priori, de beaucoup d’autres qualités, comme la lucidité, la sagesse, l’écoute. C’est en cela que les représentations de l’enfant entrent en conflit avec la réalité, survient alors le début de la désillusion, une désillusion qui est peut-être la semence.
Et pour l’enfant HPI qui questionne tout et qui bute souvent sur ce qui est incohérent ou illogique, prenant conscience de ce système qui apparemment ne voit pas, ne comprent pas, semble impuissant et surtout continue de ronronner sans rien changer, la perception qu’il en a se fait encore plus lucide et les effets potentiellement plus rapides.
Cette petite porte, c'est aussi le respect et la confiance en ce qui est quand même un système de contrainte.
Pour résumer plus simplement, avant le bac, des profs passionnés et passionnants, dont vous vous rappelez avec émotion qu’assister à leur cours était …, vous en avez eu beaucoup ?
Bon alors OK, vous avez surement oublié une bonne partie du contenu du cours, mais ça c’est secondaire
Beaucoup d’études longitudinales sur l’impact d’un professeur, de sa personnalité jusqu’au type de feedback pour l’élève, montrent des effets significatifs sur la réussite. Et dans ce contexte de décrochage, au-delà des notes, la réussite, c'est avant tout d’intéresser et de favoriser l’envie et la rétention d’information, certaines des bases essentielles de l’apprentissage.
Pour d’autres enfants malmenés, harcelés ou agressés, cette porte aura une autre dimension bien plus traumatisante encore. Oui, le mot est lâché, mais quiconque lit ces lignes, peut-il affirmer ne garder en lui aucun souvenir ou perception de l’école, traumatisant et chargé émotionnellement ? Je ne crois pas. Il n’est pas question ici de pointer du doigt et de verser dans les lamentations, mais de citer des éléments déclencheurs potentiels.
Ce ne sont pas uniquement les enfants HPI, qui voient et qui comprennent comment le système scolaire fonctionne, entre les cours peu engageants des profs et les évaluations fantaisistes.
Seulement, d’une part, la manière d’évaluer les connaissances des HPI pose des problèmes supplémentaires que j’ai abordé dans un autre article, mais d’autre part l’analyse plus profonde qu’ils font du système peut produire une conclusion dommageable pour leur dynamique. Chez les autres enfants, généralement on s’en accommode, « on fait avec » alors que pour les HPI, cette aberration, cette absurdité du système, de ses attentes et ce à quoi il conduit, ne peut être simplement mis de côté. Qu’elle soit verbalisée ouvertement ou non, la conclusion tombe irrémédiablement et même jusqu’en fac d’ailleurs : quel intérêt et pourquoi s’y astreindre ?
Les HPI sont-ils si différents face à la réalité de l’école ? Sont-ils plus curieux que les autres enfants, ont-ils plus la soif d’apprendre ? Sont-ils plus rebelles face à l’autorité ?
Statistiquement, comme ils ne représentent qu’environ 2% de la population on ne peut pas tirer de conclusion là-dessus, selon moi, et d’ailleurs certains chercheurs critiquent les raccourcis faits sur les données censées montrer plus d’échec parmi la population des surdoués. Je vous laisse approfondir.
Les enfants HPI sont capables d’une grande adaptation à leur milieu, mais il faut qu’ils en retirent un bénéfice pour qu’ils puissent continuer à concevoir de supporter l’insupportable pour eux. Dès lors que le bénéfice est nul, le point de bascule sera atteint et il leur sera très douloureux de continuer à s’obliger. Et c’est généralement la famille qui trinque et qui devra en assumer les conséquences, tout comme l’enfant, pour qui cela pourra s’avérer particulièrement éprouvant. La soumission n’est alors pas une bonne stratégie car elle génère bien des émotions en lame de fond et des retours de bâtons pour leur auteur.
Dans un cadre scolaire, si la relation au professeur n’a pas d’intérêt, que le rythme de la classe est trop lent, la répétition insoutenable et les nouveaux acquis trop rare et qu’en plus ils rencontrent des difficultés relationnelles qui font qu’ils ne s’intègrent que difficilement au groupe, ils ne sont plus en mesure de percevoir leur intérêt et la question tombe : Pourquoi je devrais aller à l’école si je n’apprends rien et que je ne m’amuse pas ?
Et toute réponse d’adulte du type : « parce qu’il faut » « parce que c’est comme ça », « l’école est obligatoire mon chéri », « tu crois que l’on fait toujours ce que l’on veut dans la vie », ne pourra être accepté et encore moins soutenir l’envie. La première pierre de l’édifice remettant en question l’école est posée.
Et de là, la construction de l’édifice va continuer, mais sans en parler à l’adulte qui ne peut apporter de réponse logique, mais surtout cohérente à cette question. L’absurdité de ses réponses est étouffante d’angoisse lorsque l’adulte ne montre pas une once de compréhension de la problématique et reste ancré sur des principes et des obligations qui défient le bon sens.
D’où l’importance de favoriser et de mettre l’accent sur les relations sociales, car c’est bien souvent elles qui soutiendront l’envie. Et, quelques années plus tard, on espère que ce ne sera pas l’envie de sécher avec les copains, mais bien l’envie d’aller en cours, pas d’apprendre, car comme les autres enfants, la désillusion étant passée par là, on fait les devoirs pour s’en débarrasser et l’on apprend ses leçons pour le prochain contrôle, ils restent sur du très court terme, il n’y a que rarement un autre objectif.
L’envie pour la faire naître, il faut la travailler en dehors du cadre de l’école. Et ce n’est pas gagné, car ce système par la force des choses tue l’envie quotidiennement.
Dans un tel contexte, pourquoi voudriez-vous qu’ils développent des méthodes de travail pertinentes et favorisant la mémorisation ? Pire, si vous avez un peu approfondi la question des archétypes des dernières générations, comment espérez-vous encore qu’ils fassent leur devoir avec envie en rentrant de l’école ? Il y a 20 ans, le gap des apprentissages à l’école et jusqu’au bac, entre connaissances générales et applications dans la vie réelle était déjà important, mais aujourd’hui ce gap est abyssal, ce n’est plus un gap c’est un gouffre.
Pour remédier à cela, il faut avoir les outils conceptuels de leur faire changer d’approche.
Et ici, il ne faut pas confondre, changer d’approche, avec le fait de changer de point de vue, ce qui serait une entreprise ardue compte tenu du sujet, surtout que socialement, critiquer l’école, pour beaucoup de parents, c’est considéré comme tabou ou pouvant générer des problèmes pour leur enfant et même lui dérouler le chemin de la rébellion potentielle et encore plus pour un enfant HPI qui n’a vraiment pas besoin de ses parents pour lui ouvrir la voie.
D’ailleurs, le corps enseignant vous met en garde dès que vous soulevez des problèmes. La réponse est toujours la même : il faut soutenir les enseignants et soutenir l’école, il faut être aligné, c’est pour le bien de l’enfant.
Une des solutions réside dans l’approche, la régénération de l’envie et la responsabilisation.
Le plus tôt sera le mieux.