HPI, THPI, TTHPI : quelles différences au-delà du score de QI ?
Le terme de "Haut Potentiel Intellectuel" (HPI) est associé à un score de quotient intellectuel (QI) élevé, généralement supérieur à 130. Cependant, la définition et représentation du HPI, ainsi que ses déclinaisons en THPI (Très Haut Potentiel Intellectuel) et TTHPI (Très Très Haut Potentiel Intellectuel), va bien au-delà d'un simple chiffre. Ces catégories, discutées dans les milieux éducatifs et psychologiques, révèlent des différences complexes qui ne peuvent être entièrement capturées par un test de QI, j’ai déjà publié quelques articles sur le sujet et vous en trouverez bien d’autres sur la toile. Cet article explore ces nuances en se basant sur des études empiriques et des observations cliniques, tout en tenant compte des critiques adressées à ces classifications.
Cependant, aux états unis qui sont connus pour labelliser tout ce qu’ils peuvent, le vocabulaire est plus simple, se concentrant principalement sur les termes "Gifted" et "Highly Gifted", avec moins de distinctions fines que celles observées dans les pays francophones. La simplicité de cette approche est vue comme un avantage pour éviter la sur-segmentation et la complexification des diagnostics. À méditer…
Qu'est-ce que le HPI, THPI et TTHPI : des nuances subtiles ?
Le THPI et le TTHPI sont des sous-catégories spécifiques au sein du HPI, généralement définies par des scores de QI plus élevés. Les individus THPI (QI > 145) et TTHPI (QI > 160) se distinguent par des capacités encore plus remarquables que les HPI. Ces seuils sont utilisés pour distinguer des niveaux d'intelligence extrême, mais leur pertinence fait l'objet de débats dans le domaine scientifique. Les différences entre ces profils reposent sur des traits qualitatifs distincts, qui seront explorés ci-dessous.
Capacités cognitives et modes de pensée
Les HPI sont souvent décrits comme ayant une pensée complexe et rapide, une capacité à traiter des informations plus rapidement que la moyenne et à créer des liens entre des concepts disparates. Ces caractéristiques sont soutenues par des études montrant que les individus à haut potentiel traitent l'information de manière plus efficiente, en utilisant moins de ressources cognitives pour résoudre des problèmes complexes (Rindermann et al., 2011).
Rindermann, Sailer et Thompson (2011) ont examiné l'impact des « fractions intelligentes » (smart fractions) sur le développement social et économique des nations. Ils ont montré que les individus avec un QI très élevé (au-delà de 145) ont un impact disproportionné sur l'innovation, la science et le progrès technologique, en raison de leur capacité à comprendre et à manipuler des concepts extrêmement complexes, d’après leur échantillon. Ce résultat soutient l'idée que les THPI et TTHPI possèderaient non seulement des capacités cognitives supérieures, mais aussi une aptitude accrue à contribuer de manière significative à la société. Ils ont également montré que les personnes avec un QI très élevé sont capables d'exécuter des tâches complexes avec une rapidité exceptionnelle, grâce à une plus grande efficacité des processus cognitifs comme la mémoire de travail et l'attention. Ces capacités permettent aux THPI de percevoir des relations complexes entre les concepts plus rapidement et de générer des solutions innovantes à des problèmes difficiles.
Les TTHPI, avec des scores au-delà de 160, possèderaient souvent ce que l'on appelle une "hyper-lucidité", caractérisée par une acuité mentale qui permet une perception détaillée des éléments les plus subtils. Lubinski et Benbow (2006) ont mené une étude longitudinale sur plusieurs décennies pour suivre les individus identifiés comme mathématiquement précoces dès l'enfance. Leur recherche a révélé que ceux avec un QI supérieur à 160, souvent classés comme TTHPI donc, démontrent non seulement une excellence en mathématiques, mais aussi une capacité à exceller dans divers domaines complexes. Ils ont également observé que ces individus développent souvent des compétences dans des domaines qui exigent une pensée stratégique et une compréhension globale des systèmes. Cependant, ils ont également noté que ces individus peuvent rencontrer des difficultés sociales et émotionnelles dues à leur isolement intellectuel et à la rareté des pairs avec lesquels ils peuvent vraiment se connecter.
Hyperexcitabilité et réactivité émotionnelle
L'un des concepts centraux pour comprendre les personnes à haut potentiel est l'hyperexcitabilité, un terme introduit par Kazimierz Dabrowski dans sa théorie de la désintégration positive (1964). Les individus HPI sont souvent plus sensibles et réactifs émotionnellement que la moyenne, ce qui peut les rendre particulièrement attentifs aux injustices sociales et émotionnelles.
Dabrowski (1964) a proposé que les individus avec une hyperexcitabilité, souvent observée chez les HPI, THPI et TTHPI, traversent des crises de désintégration émotionnelle qui peuvent les mener à un développement personnel plus élevé. Selon lui, ces individus éprouvent des émotions plus intenses et ont une plus grande capacité à percevoir les complexités morales et éthiques du monde, ce qui les pousse parfois à des conflits internes. Ces crises peuvent être douloureuses, mais elles permettent aussi à ces personnes de réévaluer leurs valeurs et de se reconstruire sur un plan moral et éthique.
Les THPI et TTHPI montreraient ces traits de manière plus exacerbée. Silverman (2013) indique que ces individus peuvent ressentir une surcharge émotionnelle plus intense, car leur grande capacité d'analyse des situations leur permet de percevoir plus de nuances émotionnelles, de plus anticiper les problèmes, mais cela les rend aussi plus vulnérables à la frustration et à l'anxiété. Leur empathie et leur sens moral seraient également plus développés, ce qui peut créer des conflits internes encore plus importants face à l'injustice ou à la dissonance cognitive dans leur environnement, l’incohérence des autres, des systèmes et des fonctionnements en étant la source majeure.
L'hyperexcitabilité chez les THPI et TTHPI pourrait aussi se manifester par une réactivité sensorielle exacerbée, où les stimuli environnementaux, tels que les sensations à la surface de la peau, le bruit (ou certains types de bruits) ou encore les lumières vives, par exemple, peuvent être perçus comme particulièrement dérangeants. Dabrowski (1964) décrit cette sensibilité accrue comme un moteur potentiel de développement personnel, mais aussi comme une source de stress important si elle n'est pas correctement gérée.
Rien n’indique cependant en quoi les HPI ne seraient pas également concernés par ces extrêmes…
Créativité et Originalité
Les personnes HPI ont tendance à être très créatives, car leur cerveau est capable de faire des connexions inhabituelles entre différentes idées, favorisant l'innovation. Les études de Runco (2004) montrent que les personnes HPI ont une meilleure capacité à générer des solutions créatives et innovantes, en particulier dans des situations non structurées. Cette créativité est souvent liée à leur capacité à penser de manière divergente, c'est-à-dire à générer de nombreuses solutions à partir d'une seule question ou problème.
Les THPI et TTHPI, en raison de leurs capacités cognitives encore plus élevées, sont souvent capables de penser de manière encore plus radicalement originale et inattendue. Feldhusen et Gagné (1991) ont observé que les personnes avec un très haut QI (au-delà de 145) sont particulièrement aptes à développer des idées uniques, car elles combinent une forte imagination avec des capacités analytiques exceptionnelles. Cette étude a démontré que la créativité chez les personnes à haut potentiel est souvent liée à leur capacité à percevoir des connexions subtiles entre des idées ou concepts apparemment non liés. Cette capacité est cruciale dans des domaines comme l'art, la science et l'innovation technologique, mais peut également les isoler socialement, car ils ont souvent du mal à exprimer ou à partager leurs idées de manière compréhensible pour les autres.
Critiques des distinctions basées sur le QI
Les distinctions entre HPI, THPI et TTHPI sont parfois critiquées pour leur dépendance excessive aux scores de QI, qui ne capturent pas la totalité des capacités intellectuelles.
Le premier d’entre tous, Howard Gardner (1983), avec sa théorie des intelligences multiples, soutient que les tests de QI ne mesurent qu'un type limité d'intelligence, principalement la logique-mathématique et la linguistique. Il souligne que des compétences comme l'intelligence interpersonnelle ou intrapersonnelle sont tout aussi cruciales pour le succès personnel et professionnel, et ne sont pas mesurées par les tests de QI traditionnels. Gardner a critiqué la réduction de l'intelligence à un score de QI unique, introduisant le concept d'intelligences multiples, telles que l'intelligence interpersonnelle, intrapersonnelle, musicale, kinesthésique, etc. Cette théorie remet en question l'idée que les THPI et TTHPI sont simplement des individus avec un QI élevé.
Pfeiffer (2012) plaide pour une approche holistique de l'accompagnement des individus à haut potentiel, qui ne se concentre pas uniquement sur le QI, mais inclut également des aspects émotionnels, sociaux et psychologiques. Il critique l'utilisation exclusive des tests de QI pour catégoriser les individus, arguant que cela peut conduire à des étiquettes restrictives et à une compréhension incomplète de la personne. Pfeiffer recommande des évaluations complètes qui prennent en compte les divers aspects de la personnalité et de l'intelligence pour mieux soutenir le développement des HPI, THPI et TTHPI.
Mais bien d’autres auteurs et chercheurs contribuent à un corpus critique qui met en lumière les limites des tests de QI et la nécessité de considérer l'intelligence comme un concept plus large et multidimensionnel. Leurs travaux soulignent que l'intelligence ne se limite pas à ce qui est mesuré par les tests de QI, et ils plaident pour des approches plus complètes et contextualisées pour comprendre et évaluer les capacités humaines et parmi eux :
Robert J. Sternberg : Sternberg a développé la théorie triarchique de l'intelligence, qui inclut l'intelligence analytique (mesurée par le QI), l'intelligence créative, et l'intelligence pratique. Il soutient que le QI ne capture qu'une partie de l'intelligence globale d'une personne et que des compétences cruciales, comme la créativité et la capacité à résoudre des problèmes pratiques, ne sont pas prises en compte par les tests de QI. Sternberg critique les distinctions basées uniquement sur le QI, arguant qu'elles sont trop limitées pour représenter la complexité de l'intelligence humaine.
James R. Flynn : Flynn est connu pour l'effet Flynn, qui montre que les scores de QI augmentent au fil des générations. Il a également critiqué la rigidité des tests de QI et a mis en garde contre les surinterprétations des scores de QI élevés. Flynn souligne que les compétences mesurées par les tests de QI sont contextuelles et que l'intelligence ne se limite pas à ce qui est mesuré par ces tests. Cette critique remet en question l'importance accordée aux distinctions basées sur des seuils de QI comme 145.
Carol Dweck : Psychologue renommée pour sa théorie du "Growth Mindset," Dweck critique l'idée que l'intelligence soit une capacité fixe, comme les tests de QI peuvent le suggérer. Elle soutient que l'intelligence peut être développée à travers l'effort et l'apprentissage continu. Les distinctions basées sur le QI peuvent conduire à une mentalité de "Fixed Mindset", où les individus se sentent limités par leur score de QI, ce qui peut entraver leur potentiel de croissance.
Keith Stanovich : Stanovich, un psychologue cognitif, critique la focalisation excessive sur le QI, qu'il considère comme une mesure incomplète de l'intelligence. Il a développé le concept de "rationalité" distincte de l'intelligence, arguant que les tests de QI ne capturent pas bien les compétences en prise de décision rationnelle. Il souligne que certaines personnes avec des QI élevés peuvent manquer de rationalité pratique, ce qui montre que l'intelligence, telle que mesurée par le QI, n'est pas la seule ou la meilleure indication de la capacité cognitive globale.
Daniel Goleman : Connu pour avoir popularisé le concept d'intelligence émotionnelle (EQ), Goleman soutient que l'intelligence émotionnelle est tout aussi importante, sinon plus, que l'intelligence cognitive pour la réussite personnelle et professionnelle. Goleman critique l'accent mis sur le QI dans l'évaluation de l'intelligence, affirmant que la capacité à comprendre et gérer ses propres émotions, ainsi que celles des autres, est cruciale pour un fonctionnement réussi dans la vie quotidienne.
Stephen J. Ceci : Ceci est un chercheur en développement cognitif qui a critiqué les limitations des tests de QI en tant qu'évaluateurs uniques de l'intelligence. Il a étudié comment les capacités intellectuelles peuvent être influencées par des facteurs environnementaux et contextuels, y compris l'éducation, la culture et les expériences de vie. Ceci a montré que l'intelligence ne peut pas être complètement capturée par des tests standardisés comme le QI, car ces tests ne prennent pas en compte l'adaptabilité cognitive dans des contextes réels.
Richard Nisbett : Nisbett, psychologue social, a exploré les influences culturelles sur la cognition et critique l'idée que le QI soit une mesure universelle de l'intelligence. Dans son livre Intelligence and How to Get It, Nisbett discute de la manière dont l'intelligence est influencée par des facteurs sociaux et environnementaux, et il met en doute l'idée que le QI élevé soit un indicateur stable et prédictif de succès dans tous les contextes culturels.
Henry H. Goddard : Bien que Goddard soit plus connu pour son travail précoce sur le QI, il est également l'un des premiers à reconnaître les limites de ces tests. Ses recherches sur l'intelligence ont montré que des facteurs sociaux et environnementaux jouent un rôle crucial dans le développement intellectuel, une idée qui remet en question l'idée que le QI seul est un indicateur complet de l'intelligence d'une personne.
Intelligence multiple : particularité ou norme ?
Ces tests très scolaires dans leur origine et leurs fondements sont normés selon des critères culturels et socio-économiques qui peuvent biaiser les résultats, voir l’envie du sujet lors de la passation, je ne cesserai jamais de le répéter. En se focalisant uniquement sur le QI, on risque de négliger des aspects cruciaux de l'intelligence, aujourd’hui on parle d’intelligence multiple comme d’une particularité alors que c’est peut-être simplement une réalité pour chacun mais que ses composantes sont justes moins développées pour certains en fonction de leur environnement ou expériences. Par conséquent, il est important de compléter les tests de QI par d'autres outils d'évaluation et par une observation clinique approfondie pour saisir toute la richesse du potentiel intellectuel d'un individu.
La Perspective Empirique et Clinique
Les recherches empiriques semblent montrer que les individus HPI, THPI et TTHPI partagent des traits communs, mais aussi des différences significatives dans leurs expériences de vie, même si certains chercheurs critiques les biais statistiques des observations empiriques indiquant, que seuls ceux qui ont des problèmes vont chez le psy (Frank Ramus). Les HPI peuvent rencontrer des difficultés d’adaptation sociale, des sentiments d'isolement ou d'incompréhension, et parfois des troubles de l’humeur. Les THPI et TTHPI, en raison de leurs capacités exceptionnelles, pourraient éprouver ces mêmes difficultés de manière exacerbée, mais par rapport à quelle norme, ou quelle échelle, c’est encore à définir. Et chaque observateur aura ses propres repères…
Les observations cliniques indiquent que l’accompagnement de ces individus doit être personnalisé et holistique, prenant en compte non seulement leurs capacités intellectuelles, mais aussi leur bien-être émotionnel, social.
Conclusion
Le HPI, THPI et TTHPI vont bien au-delà des simples scores de QI. Les différences entre ces catégories se trouvent non seulement dans les capacités intellectuelles mesurables, mais aussi dans les dimensions qualitatives et subjectives de l'expérience de ces individus. Dès lors, la question de savoir si les différences identifiées en HPI, THPI et TTHPI peuvent être comblées par l'acquisitions de connaissances, les expériences, le travail sur soi, etc., montrant alors qu'un HPI peut finir par avoir les mêmes traits que les THPI sans pour autant avoir un score de QI supérieur à 140 doit être abordé, et cela fera l’objet de deux autres articles.
Pour comprendre pleinement ces profils, il est crucial d'adopter une approche multidimensionnelle qui combine évaluation cognitive, observation clinique et prise en compte des aspects émotionnels et relationnels.
Références
- Wechsler, D. (2008). Wechsler Adult Intelligence Scale – Fourth Edition (WAIS-IV). Pearson.
- Rindermann, H., Sailer, M., & Thompson, J. (2011). The impact of smart fractions, cognitive ability of politicians and average competence of peoples on social development. Talent Development & Excellence, 3(2), 85-98.
- Lubinski, D., & Benbow, C. P. (2006). Study of mathematically precocious youth after 35 years: Uncovering antecedents for the development of math-science expertise. Perspectives on Psychological Science, 1(4), 316-345.
- Dabrowski, K. (1964). Positive Disintegration. Little, Brown and Company.
- Silverman, L. K. (2013). Giftedness 101. Springer Publishing Company.
- Runco, M. A. (2004). Creativity. Annual Review of Psychology, 55, 657-687.
- Feldhusen, J. F., & Gagné, F. (1991). Creativity and Giftedness: Relationships between problem solving, creativity, and giftedness. Gifted Child Quarterly, 35(2), 85-92.
- Gardner, H. (1983). Frames of Mind: The Theory of Multiple Intelligences. Basic Books.
- Pfeiffer, S. I. (2012). Serving the Gifted: Evidence-Based Clinical and Psychoeducational Practice. Routledge.